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17/10/2024

ERASMUS DAYS 2024 : Mettre à l'honneur un référent mobilité

Interview avec Jérémy Riou, Référent Mobilité au BTP CFA Drôme-Ardèche

Je me présente, Charline, alternante chargée de communication au sein du BTP CFA AuRA. Dans cette interview, j’ai le plaisir d’échanger avec Jérémy Riou, référent mobilité au BTP CFA Drôme-Ardèche, sur l’importance de la mobilité Erasmus+.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amené à devenir référent mobilité au BTP CFA Drôme-Ardèche ?

Je m’appelle Jeremy, et j’enseigne le français et l’histoire-géographie, après avoir démarré ma carrière en tant que professeur d’anglais il y a environ 10 ans. Ayant en effet un cursus supérieur orienté vers l’histoire des civilisations et des langues, j’ai eu la chance de profiter personnellement du dispositif ERASMUS+ et j’en suis sorti grandi à bien des égards… A la sortie de la période COVID, lorsque la mission de « référent mobilité » a été proposée dans mon établissement, j’ai immédiatement saisi l’occasion donnée d’en faire profiter également les apprentis.

En tant que référent mobilité, quels sont les aspects de votre travail qui vous passionnent le plus ?

Pour un référent mobilité, c’est toujours une immense satisfaction de faire découvrir aux plus jeunes les richesses culturelles et humaines de nos pays voisins.

Aussi, rien ne me fait plus plaisir que d’accompagner les différentes mobilités et de contribuer à faire entrapercevoir aux apprentis le monde qui les entoure. A Copenhague, à Barcelone ou encore à Francfort, je n’ai eu de cesse de voir dans les yeux de chacun la joie candide des premières expériences et rencontres… et cela vaut tous les efforts de la Terre !

Selon vous, pourquoi la mobilité européenne est-elle si importante dans le domaine du BTP et pour les apprentis, et comment avez-vous vu évoluer l’intérêt des apprentis pour ces expériences ?

Pour moi, ça a été très vite tout naturel et évident de proposer autant que faire se peut à mes apprentis des enseignements « hors-les-murs ». Ce n’est un secret pour personne, une majorité de notre public n’est en effet pas à l’aise avec les méthodes dites traditionnelles.

Au travers de la mobilité européenne, nous pouvons aborder des sujets professionnels mais aussi citoyens et ainsi étudier sans même qu’ils ou elles ne s’en rendent compte.

En Allemagne par exemple, nous avons pu durant toute une matinée nous rendre sur des sites où reposaient des vestiges de la 2nde Guerre mondiale. Après quelques heures riches en émotion, nous avons choisi de jouer sur le trajet retour à différencier, à tout de rôle, l’architecture des maisons de la région par rapport à celles de notre territoire. Le perdant a dû aller à la boulangerie commander le repas du midi en anglais pour tout le groupe.

Aucun cours n’aurait pu prétendre à être au niveau de ce qu’ils ont vécu et retenu ce jour-là, j’en suis intimement persuadé.

Pouvez-vous partager une anecdote ou un souvenir marquant lié à l’accompagnement d’un apprenti dans le cadre d’une mobilité Erasmus+ ?

Le souvenir qui restera gravé dans mon esprit à vie n’est pas des plus heureux, mais c’est le carburant qui me fait tenir quand les journées de travail sont longues et parfois difficiles.

Je garderai en effet toujours en tête un apprenti que j’ai eu la chance de connaître dans le cadre d’une mobilité aux Emirats Arabes Unis, pour l’exposition universelle de 2021. Comme vous l’imaginez, ce sont des séjours qui ne se font pas tous les ans et pour les plus jeunes, c’est même à bien des égards un véritable eldorado que de pouvoir aller à Dubaï à 18 ans.

Ensemble, nous avons été époustouflés par ce que nous avons vu là-bas et au fur et à mesure des jours, le groupe s’est sincèrement rapproché. Au retour de ce séjour, ma collègue (accompagnante également) et moi-même avons souhaité immortaliser cette aventure à travers un album-photo que nous avons dédicacé longuement et personnellement à chacun des participants.

Le jour où nous avons fait partir les ouvrages au domicile des jeunes (nous étions alors ensemble au CFA), nous avons appris par téléphone que l’un d’eux venait de décéder sur un chantier, plus tôt dans la matinée.

Quelques jours plus tard, lors de ses funérailles, ses parents ont longuement discuté avec nous de cette expérience qu’il avait vécue, et à quel point il en était sorti épanoui. Ils étaient heureux qu’il ait pu découvrir un peu le monde avant de partir…

En sa mémoire, je n’aurai de cesse de proposer encore et toujours plus de projets de mobilité à mes apprentis, dès lors que l’occasion m’en saura donnée.

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans la mise en place des projets de mobilité, et quelles stratégies avez-vous développées pour les surmonter ?

Il faut bien reconnaitre que l’un des défis majeurs est l’aspect administratif, extrêmement chronophage à n’en pas douter. Il y a une pléthore de documents à collecter, télécharger imprimer, faire remplir, signer, tamponner, archiver, scanner, envoyer, restituer et malheureusement, ces derniers changent très régulièrement…parfois même tous les ans ! Je dois humblement avouer qu’il y a certains jours où la pile de documents et de courriels à envoyer peut atteindre sincèrement mon moral.

La seule arme contre ça et la patience et une équipe de travail soudée. Dans mon CFA, j’ai la chance de pouvoir compter sur le soutien incroyable du pôle administratif et financier ainsi que de ma direction, et sans eux, rien ne serait possible.

L’autre défi est la recherche de partenaires de qualité. Cela prend énormément de temps.

J’ai souvent tendance à comparer la mobilité à une forge de métallier, pour reprendre l’univers du BTP. Pour réaliser un séjour, il faut mettre en chauffe la forge et y consacrer un temps qui peut être parfois supérieur à un an et demi. L’inertie est gigantesque mais dès lors que cette forge est à maturité, on peut l’utiliser encore et encore !

Comment parvenez vous à motiver les jeunes à partir en mobilité, surtout ceux qui peuvent avoir des hésitations ou des peurs ?

Je dois avouer que je n’ai jamais eu de mal à trouver des candidats pour partir en mobilité.  Mon vrai challenge est ailleurs.

En effet, nombreux sont ceux qui confondent séjour pédagogique et vacances… C’est vrai pour les apprentis bien sûr, mais aussi pour les employeurs et parfois même pour les collaborateurs de BTP CFA Auvergne-Rhône-Alpes. Avec un dossier pédagogique bien verrouillé que l’on présente aux futurs participants et à leur entourage professionnel et familial, la plupart des blocages se lèvent naturellement.

Les jeunes sont presque tous désireux de partir, il faut que tout le monde en soit conscient. Charge à nous de faire bénéficier des flux de mobilité à ceux qu’il veulent partir pour les bonnes raisons.

Le programme Erasmus+ est souvent synonyme de développement personnel. Selon vous, quelles compétences transversales les jeunes acquièrent-ils grâce à la mobilité ?

Je crois que le retour que j’entends le plus au début d’une mobilité, c’est : « Mince, j’aurais dû mieux écouter en cours d’anglais ! ». Je trouve ça absolument génial que les apprentis comprennent si tôt dans leur vie l’importance des langues étrangères et notamment l’anglais. D’ailleurs, ils sont vraiment heureux de faire partager leur progrès et réussite au fur et à mesure des jours et c’est très plaisant à voir. Mieux, ils se rendent compte que les enseignements globalement dispensés depuis leur plus jeune âge ont en fait une véritable application, et pour tous les enseignants de la Terre, c’est la meilleure des récompenses.

Bien sûr s’ajoutent à ça un gain en maturité assez net, et une prise de confiance et d’autonomie.

A Barcelone par exemple, les jeunes étaient (en essayant toutefois de le cacher un peu) angoissés à l’idée de prendre le métro tous les matins. Certains n’avaient jamais quitté la région, et pour eux, vivre dans une métropole grouillant de monde du matin au soir et où tout va plus vite s’assimilait à une randonnée en Amazonie. En quelques jours pourtant, ils se sont parfaitement accoutumés et il était mignon et drôle de les voir se plaindre ou se moquer des touristes qui cherchaient à leur tour leur chemin, plan du métro en main, quelques temps après…

Pour finir, selon vous, comment ces éléments façonnent-ils leur avenir professionnel et personnel ?

Un séjour à l’étranger marque un être, beaucoup plus qu’il ne le croit de prime abord… et la plupart du temps dans le bon sens du terme (même si la plupart sont heureux de retrouver la France à l’issue du séjour !) Il n’est d’ailleurs pas rare que des apprentis ayant participé à une mobilité me questionnent sur la possibilité d’en faire une autre, voire envisagent de partir par leurs propres moyens pour un temps plus conséquent dans un autre pays à l’issue de leur formation.

Ayant découvert une autre dimension de leur travail, ils aiment aussi la restituer à leurs collègues lors de leur retour en entreprise. Parfois, c’est simplement pour saluer l’avancée de la France sur ses voisins (en termes d’EPI et de sécurité notamment.) Dans d’autres cas, ils modifient leur comportement ou leurs outils de travail. J’ai en tête un apprenti qui, après avoir découvert les avantages du mètre pliant en bois (très typique des pays nordiques) à Copenhague dans le cadre de son séjour, a conservé cette habitude et a proscrit le mètre aimanté enroulé bien français de sa caisse à outil.

A court, moyen ou long terme, la graine que l’on a essayé de faire germer dans leur esprit finit par pousser et je ne doute pas que toute leur vie ils auront une pensée affectueuse pour ce séjour et cette aventure qu’ils auront vécus. Ce qu’il en retireront leur appartient, mais j’aime à penser que cela va dans le sens de l’humanité.


Merci, Jérémy, pour votre temps et vos éclaircissements sur l’importance de la mobilité au sein des CFA.

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